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De Circonstance ... Un article à propos des jeunes et de l’isolement social.

Dans le contexte d’un confinement devenu trop long pour tous, les jeunes sont souvent pointés du doigt comme étant les premiers à sortir des clous...


Les ados sont-ils des psychopathes sans cœur ? Des attardés inconscients ? Ou seulement des individus en quête d’un mieux-être ?

Depuis le 20ème siècle, l’adolescent est perçu comme un individu en instabilité, marqué et caractérisé par des changements pubertaires. En psychologie moderne on évoque une étape transitoire entre deux états plus stables, à savoir l’enfance et l’âge adulte. L’adolescent n’est donc défini que par défaut : il n’est ni enfant, ni adulte (1). Il est défini par la négative ce qui, au mieux, fait de lui un être inachevé. Si l’ado était une réalité numérique nous verrions affiché sur son front: la version 2.0 est en cours de téléchargement, veuillez attendre l’âge de raison pour une bonne communication et un rendement optimal.

Puisqu’il est admis que l’adolescent est un adulte en construction, observons qu’il n’a dès lors plus les mêmes besoins que l’enfant, et qu’il n’a pas encore les mêmes besoins qu’un adulte. Comment le pourrait-il puisque socialement, sans responsabilité professionnelle ni familiale, il n’est pas considéré comme un « citoyen » à part entière ?

Tout à fait conscients que leur jeune n’est pas « achevé », la plupart des parents ont dû mal à leur faire confiance et leur octroyer plus de liberté. Les psychothérapeutes, dont Emmanuelle Piquet (1), observent alors un florilège d’injonctions paradoxales en consultation : le parent se plaindra de ne pas pouvoir lui faire confiance, attendra des preuves qu’il en serait digne tout en lui interdisant de prendre le moindre risque que cette confiance puisse être trahie... Quant à l’ado, il exigera d’être traité en adulte tout en menaçant ses parents de comportements infantiles si le parent n’accède pas à sa demande.

Ces situations paradoxales invitent à se demander de quoi a besoin un adolescent pour optimaliser son « téléchargement » ?

S’il est évident depuis Dolto qu’il a besoin de se sentir en sécurité en raisondes différents états de vulnérabilité qu’il traverse, il nous semble tout aussi évident qu’il doitcommencer à mettre à l’épreuve ses aptitudes sociales, sa toute nouvelle personnalité, il doit testerson nouveau corps, ce look qu’il se construit, sa nouvelle dégaine....


Ce n’est pas le tout d’avoir des poils au menton, des seins qui poussent, de se trouver des vêtements dans lesquels ils se sentent plusà l’aise, encore faut-il apprendre à les porter socialement. Comment apprendre à se sentir à l’aise aveccette voix de baryton ou ce bassin qui, brusquement élargi, se met à tanguer, si le jeune n’évolue quedans le noyau familial ? Ce n’est pas devant ses parents qu’il veut se tester car ce n’est pas d’eux qu’il doit désormais se sentir accepté... que du contraire, souvent le parent devient même l’anti-référence.


C’est par les rencontres et au contact de l’Autre que l’adolescent pourra se créer une estime de soi, des outils d’adaptations sociales et des mécanismes de défense, qui ensemble, constitueront sa personnalité d’adulte. À l’instar d’un fabriquant automobile, il ne pourra avoir confiance en son nouveau prototype qu’en le mettant sur la route, en testant ses limites, sa puissance et sa sécurité au crash-test. Pour tester son nouveau Soi, l’adolescent a besoin d’une Société et de relations variées. Ainsi, par cause et par effet, la période d’adolescence, à partir de l’entrée en secondaire, se marque par un élargissement du réseau social, une différenciation des relations, et une construction d’un univers social propre (2).

La crise Covid qui sévit depuis bientôt un an perturbe tout le déroulé habituel de la vie d’un adolescent.

Si les raisons sanitaires de ces confinements et les règles strictes sont nécessaires, il est néanmoins important d’observer les dommages collatéraux de type psychologiques que nos jeunes sont en train d’encourir. Privé de liens sociaux, de sorties, de diversité relationnelles, le jeune, risque bien de "bugger" dans son évolution. Je pense notamment à l’augmentation immodérée de certaines consommations (écrans, pornographie, cannabis...), aux troubles de l’humeur, aux passages à l’acte agressifs, et aux conflits parents-enfants.

Isolé chez ses parents, le jeune est actuellement carencé d’une nourriture "développementale" à part entière, mais aussi d’un espace qui, jusqu’alors, permettait d’expurger une somme de tensions accumulées.


Si le jeune transgresse la loi, ne peut-on y voir une tentative désespérée de poursuivre son développement normal ?


Magali Nguyen

Psychologue

(1) Emmanuelle Piquet (2017) « Mon ado, ma bataille ». Payotpsy (2) Michel Claes (2003) « L’univers social des adolescents ». Paramètres. Les presses de l’université de Montréal.

 

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